Edition 2024 – Joséphine Pagnier

Joséphine Pagnier, marraine de l’édition 2024

Joséphine PAGNIER, née en 2002 à Pontarlier, est une sauteuse à ski française

Elle est devenue la première française détentrice du dossard jaune de leader de la Coupe du monde de saut à ski. A 21 ans, la Jurassienne vit un rêve. Sa réussite trouve ses racines dans une tradition familiale et dans une passion dévorante qui la définit depuis l’enfance. Voici l’histoire d’une championne qui incarne mieux que quiconque l’amour inconditionnel de son sport.  L’histoire de Joséphine Pagnier, c’est celle de sa grand-mère, de son papa, de sa famille. Au siècle dernier, alors que le saut à ski n’est réservé qu’aux hommes, que tout un tas de légendes très machistes interdisent la pratique au sexe opposé, sa grand-mère s’essaie en cachette au saut à ski dans le petit village de Chaux-Neuve. Un plaisir interdit mais le virus entre dans la famille.

Des décennies plus tard, la petite Joséphine, héritière d’une longue tradition familiale, porte haut les couleurs du saut à ski français. Deux victoires en Coupe du monde, le dossard jaune de leader : maintenant que les filles ont le droit de concourir, la petite-fille Pagnier ne se cache plus et ne se prive pas. Elle vole plus haut, plus loin et plus longtemps que les autres. Ses succès d’aujourd’hui ont des racines profondes. Aussi loin qu’elle se souvienne, Joséphine Pagnier a toujours voulu voler. Son père, Joël, exploite l’un des huit tremplins français, celui de Côte Feuillée, à Chaux Neuve. Dans ce village confetti du Doubs, au milieu de nulle part, le saut à ski est une religion, on y échappe difficilement. Chez les Pagnier, on mange, on dort et on vit saut à ski. Et si la petite fille veut voir son papa, elle n’a d’autres choix que de passer ses journées au tremplin. C’est là, au milieu des forêts de sapins et au cœur des hivers les plus rudes du pays, que le feu grandit en elle.  Il ne le quittera plus et guidera la plupart des choix qui jalonneront sa vie. A 4 ans, les premiers sauts avec des skis de fond au pied. A 9 ans, les premières compétitions. Et Jason Lamy-Chapuis, le champion olympique de combiné nordique, comme modèle absolu. Ses rêves d’enfant n’ont pas grand-chose à voir avec ceux des autres. « Petite, je voulais sauter sur tous les tremplins du monde, voler le plus possible, nous raconte-t-elle. Et rester le plus de temps en l’air. »  Défier la gravité, voilà son carburant. Le saut à ski fait partie d’elle, c’est plus qu’une passion, qu’un métier ou qu’une vocation.

C’est ce qui définit aujourd’hui la jeune fille de 21 ans. « Ça fait partie de moi, ça me régénère quand je le fais bien. C’est en vol que je suis le mieux, c’est le meilleur sentiment de ma vie, décrit-elle. J’ai l’impression d’être moi-même quand je suis dans mon saut. C’est plus fort qu’une médaille. On est tout seul avec l’air et on kiffe. »   « Sa richesse, c’est qu’elle a grandi sur un tremplin et c’est peut-être la seule fille au monde dans ce cas-là, nous confie Nicolas Jean-Prost, ancien sauteur de l’équipe de France et ami intime de la famille. Petite, on voyait dans son regard qu’elle adorait ça. Elle a toujours eu cette brillance. Elle était émerveillée par les sauteurs, il fallait la voir regarder ceux qui volaient… Le saut, c’est Joséphine.  Dans les critériums de jeunes du Jura, elle rivalise avec les meilleurs garçons parce qu’elle s’est imprégnée du geste juste depuis toujours. Un corps d’athlète forgé par des années de gymnastique, une passion dévorante pour son sport, un œil averti et ce petit supplément d’âme : le cocktail fait aujourd’hui des miracles. « Elle a toujours mieux tenu en l’air que les autres, note aujourd’hui son coach Damien Maitre. En vol, on est à 3 mètres de haut, à 100 km/h avec des skis au pied et à plat ventre sur l’air. Il y a des choses qui s’apprennent et il y a le pilotage instinctif pour savoir comment placer son corps sur l’air, comment jouer avec. Certains ont besoin de penser. Quand elle est connectée à ses sensations, Jo’ n’a pas besoin de penser. »  Un jeu d’enfant en somme pour elle. La progression est constante.

Elle marque son premier point en Coupe du monde en 2018. Son podium aux JO de la Jeunesse de Lausanne en 2020 répand sa réputation. A Pékin, en 2022, elle termine 11e pour ses premiers Jeux Olympiques et fait une promesse à son père : « Je ferai tout pour avoir une médaille dans 4 ans. » Hygiène de vie irréprochable, gestion parfaite des temps de récupération et implication totale dans les entraînements : elle met tout en place pour vivre sa passion à fond.  Mais l’approche de la compétition et la pression du résultat lui coupent les jambes et fait fondre sa confiance en elle. L’an passé, patatra, tout fout le camp. « Elle était déconnectée de la passion du saut, se souvient son coach. Il fallait faire un résultat pour prouver qu’elle valait quelque chose, elle n’y arrivait plus. Je lui ai dit : ‘je ne vais pas cautionner longtemps de t’emmener sur des sautoirs tous les week-ends pour que tu sois triste.' »

Joséphine oublie le résultat, se reconnecte à ses sensations : bingo. Le cercle vertueux est enclenché. « Quand elle vole bien, quand elle est en place, elle est injouable pour les autres. Beaucoup se posent des questions sur son matériel… Mais elle a la même combinaison que cet été, s’amuse Damien Maitre. C’est juste qu’elle saute encore plus à l’instinct. » Pour la première fois de l’histoire, une jeune fille française est leader de la Coupe du monde.  « Quand je l’ai vu gagner à Lillehammer, j’étais à la Gare de Lyon, sur mon téléphone, et je me suis mise à pleurer toute seule au milieu des trains, nous confie Caroline Espiau, ancienne sauteuse en équipe de France et consultante pour Eurosport. Il faut se rendre compte des sacrifices, du manque de reconnaissance du saut à ski en France. On ne fait pas ce sport pour l’argent, ça nous coûte plus que ça rapporte et il faut être passionnée pour se lancer dans cette aventure. On est loin des stars de l’alpin ou du biathlon. Alors on est heureuse pour elle, pour notre sport. »  A Chaux-Neuve, dans le village de 300 âmes, là où tout a commencé dans la rigueur de l’hiver jurassien, Joël Pagnier a versé quelques larmes, saisi par le moment et le vertige de voir son enfant hisser la tradition familiale au plus haut niveau. « J’ai passé ma vie autour du saut à ski alors qu’un de mes enfants performe dans cette discipline. Je ne peux pas être plus fier, lâche-t-il. Je suis le papa le plus heureux du monde. Quel honneur… Elle fait une promotion folle d’un sport qui n’est pas connu en France.

En 2021, Joséphine Pagnier a terminé 2e des championnats du monde juniors à Lahti. A l’entraînement, elle a battu son record personnel avec un saut à 138m à Wisla.

En 2024, deux semaines après sa victoire à Lillehammer, la sauteuse de Chaux-Neuve, Joséphine Pagnier, a remporté l’épreuve de grand tremplin à Engelberg en Suisse. Elle a pris alors provisoirement la tête du classement général de la coupe du monde.

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